La situation dans laquelle se trouvent les pharmaciens d’officine par rapport à la question de la gestion des produits dits « psychotropes » est très inquiétante.
I] – SITUATION ET ETAT DES LIEUX :
D’un point de vue réglementaire, Le pharmacien est SEUL habilité sur le plan légal à détenir ces médicaments en vue de leur dispensation aux citoyens. Ces médicaments essentiels et indispensables touchent à un aspect sanitaire prioritaire, qui est celui de la santé mentale en Algérie, et qui constitue une des grandes priorités sanitaires dans le pays, au même titre que les maladies transmissibles, la protection de la mère et de l’enfant, des grandes maladies chroniques (asthme, cœur, hypertension, diabète), ou du cancer.
Or, sur le plan réglementaire, et dans la pratique quotidienne, la réglementation portant gestion de ces médicaments par le pharmacien souffre de nombreuses insuffisances, qui font courir aux pharmaciens de véritables risques sur le plan pénal, sur le plan de leur gestion, et sur le plan sécuritaire.
1/- En premier lieu, les tableaux portant classification légale et officielle de ces produits, ne sont pas publiés au journal officiel, malgré l’existence d’un arrêté ministériel visant leur classification depuis juillet 2015. Ce défaut de publication, faire régner un flou total sur l’identification exacte de ces produits, et font courir aux pharmaciens d’énormes risques sur le plan pénal, au vu des articles 16 et 17 de la loi 04-18 du 25 décembre 2004, et qui prévoient de lourdes peines de prison (de 05 à 20 ans).
2/-De plus, le détournement d’usage de certains médicaments destinés au traitement de la douleur, et qui ; sur le plan technique, pharmacologique, scientifique, et clinique ; ne sont pas classés comme étant des médicaments psychotropes, fait courir aux pharmaciens, et ce à tort, des risques d’ordre juridique et pénal. Les pharmaciens sont souvent victimes des dispositions de la loi 04-18, poursuivis et condamnés, alors que ces produits ne sont pas officiellement classés comme étant des psychotropes.
3/-Dans la pratique, l’usage de fausses ordonnances, ou d’ordonnances falsifiés ou de complaisance, expose dangereusement les pharmaciens aux risques des poursuites et des condamnations pénales, alors que leurs responsabilité n’est pas engagée. De plus, ceci concerne souvent des médicaments NON CLASSES.
4/-En plus des « effractions, vols, et casses » dont font l’objet les officines pharmaceutiques au quotidien, les pharmaciennes et pharmaciens, face, aux agressions répétées qu’ils vivent au quotidien dans le cadre de leur exercice, sont dans une situation de peur et de traumatisme profonds. Ces agressions répétées : verbales, physiques, à l’arme blanche et aux sabres, ou en bandes organisées, vont jusqu’au meurtre [deux assassinats en moins de trois mois], et ont lieu de jour ou de nuit, à l’occasion de la garde de nuit. Les pharmaciens se sentent totalement démunis, et totalement abandonnés et livrés à la délinquance et aux agresseurs, qui eux sont décidés à obtenir cette catégorie de médicaments par tous les moyens.
Les pharmaciens vivent donc une situation très délicate sur le plan réglementaire et sécuritaire.
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II]- MESURES, SOLUTIONS TECHNIQUES, ET CHANGEMENTS REGLEMENTAIRES :
Depuis octobre 2016, deux commissions de niveau ministériel, travaillent sur des projets de textes réglementaires pour :
1/- la révision de la loi 04-18 :
le ministère de la justice a pratiquement terminé de préparer un nouveau projet de loi qui révise les dispositions de l’ancienne loi.
Il est prévu plusieurs nouveautés : fichier numérique nationale des opérations liées à l’usage des produits psychotropes, le mode de classification des produits avec obligation de leur publication, nouveaux modèles de registres et d’ordonnances réglementaires et sécurisées, protection des pharmaciens.
- Nous lançons un appel pressant à Monsieur le ministre de la justice garde des sceaux pour la promulgation et la publication de cette nouvelle loi, qui va mettre fin de manière rapide et efficace à beaucoup de contraintes techniques, et combler le vide juridique constaté et vécu depuis 2004.
2/-projet d’un texte réglementaire préparé par le ministère de la santé :
C’est un texte du niveau d’un décret exécutif, en élaboration depuis janvier 2017, et pratiquement finalisé, et prévoit d’instaurer un dispositif technique complet de gestion des produits psychotropes à tous les niveaux de la chaine du médicament : production, importation, distribution en gros, et distribution de détail.
Ce texte vise à instaurer les modalités de gestion, de détention, de prescription, et de dispensation des médicaments psychotropes par tous les intervenants et professionnels de santé habilités.
Parmi les nouvelles dispositions : les ordonnances a souches de différentes couleurs avec numéros de série, et des registres de prescription et de dispensation physiques et numériques.
- Nous demandons au Ministère de la santé d’accélérer la finalisation et la publication de ce nouveau texte réglementaire
3/- mise à jour et publication des tableaux portant listes des psychotropes :
La CLASSIFICATION en tableaux, tel que précisé par les articles 2 et 3 de la loi 04-18 ; ainsi que la PUBLICATION de ces tableaux, sont indispensables. C’est une procédure réglementaire qui doit être accomplie. La NON PUBLICATION DE CETTE CLASSIFICATION constitue un vide juridique majeur.
- Nous demandons au secrétariat général du gouvernement, au ministère de la santé, et au ministère de la justice, de procéder à la publication des tableaux des psychotropes au journal officiel.
4/- Mise en place de mesures spécifiques et concrètes pour la sécurité et la protection des pharmaciens d’officine et de leurs pharmacies.
III]- SITUATION FINALE :
Devant la situation actuelle, telle que nous venons de l’exposer à travers :
1-le vide juridique, et les risques réglementaires induits et d’ordre pénal encourus par les pharmaciens
2-l’absence de sécurité professionnelle, et en situation de risque physique avec d’énormes préjudices sur le plan moral
Les pharmaciens sont déjà en train de réagir de différentes façons pour exprimer leur désarroi face à cette situation, qui met souvent leur vie et leur liberté en danger.
- Parfois ce sont des mouvements de protestation spontanés, exprimés par des fermetures ponctuelles des officines, ou des appels à des sit-in.
- Mais ce qui est encore plus inquiétant c’est L’APPEL ACTUEL ET QUI COMMENCE A SE FAIRE DE PLUS EN PLUS LARGE AU SEIN DE LA PROFESSION POUR L’ARRET DES APPROVISIONNEMENTS ET DE COMMERCIALISATION DE CES MEDICAMENTS PSYHOCTROPES, qui pourtant sont indispensables et essentiels pour la santé humaine, et qui concernent des millions de citoyens et de malades chroniques.
- Les pharmaciens ne peuvent pas continuer à être les victimes d’un vide juridique, qui leur est très préjudiciable, et qui a des conséquences lourdes et irréversibles sur leur vie professionnelle, leur liberté d’exercer, sur leur sécurité, et même sur leur vie.
- Face à ce climat d’insécurité sur tous les plans, aussi bien réglementaire, juridique, que professionnel, toutes les éventualités sont posées.
- Les pharmaciens d’officine de toute l’Algérie, et le SNAPO, appellent les pouvoirs publics à adopter des mesures urgentes, pour la prise en charge des problèmes rencontrés dans le cadre de la gestion de ces produits, et à promulguer les textes réglementaires préparés par le ministère de la justice et le ministère de la santé.