vendredi 22 novembre 2024
Accueil > Interviews > Elias Zerhouni : « La recherche de Sanofi doit repartir de l’avant »
Patron monde de la R&D

Elias Zerhouni : « La recherche de Sanofi doit repartir de l’avant »

En marge de la plus grande conférence au monde dédiée aux industries de santé organisée à San Francisco par la banque JP Morgan, Elias Zerhouni, patron monde de la R&D de Sanofi, s’explique sur la transformation de la recherche du premier laboratoire français et ses ambitions.

Vous avez annoncé que le budget de la R&D allait repartir à la hausse. Pourquoi une telle ambition après des années de rigueur ?

Nous avons été très rigoureux et frugaux, il est temps maintenant de soutenir notre portefeuille de projets, notamment en oncologie et en immunothérapie. Notre investissement en R&D devrait par conséquent augmenter à 6 milliards d’euros d’ici à 2020.

 

Comment avez-vous réussi à améliorer la productivité de votre recherche ? Reste-t-il des gains d’efficacité à faire ?

 

Nous avons réduit le nombre de sites et abandonné beaucoup d’aires thérapeutiques – le vieillissement, les maladies psychiatriques, l’ophtalmologie… – pour nous focaliser sur les maladies rares, les vaccins, l’oncologie, l’immunologie et le diabète. Nous ne sommes pas loin de la bonne taille.

Notre recherche est plus productive car nous sommes devenus beaucoup plus sélectifs.  Beaucoup plus de projets sont arrêtés en phase précoce, beaucoup moins en phase tardive, ce qui est l’inverse de la situation précédente. Cela se traduit par moins d’échecs. Cela fait trois ans que nous n’avons pas eu d’échecs en phase III (la dernière phase de développement d’un médicament), ce qui est remarquable, et nous avons eu trois médicaments approuvés en 2017.

Cela signifierait-il que vous avez moins d’audace ?

La vraie question est plutôt de savoir si nous avons des idées assez originales que l’on peut tester en clinique précoce. C’est ce que nous faisons en ayant mis en place des « fast POC » (Proof of concept), qui consistent à tester rapidement beaucoup de projets. On a pu ainsi mettre en place le développement du Dupilumab (traitement de la dermatite sévère) en cinq ans seulement parce que les résultats étaient très bons dès le début. Tout en étant beaucoup plus rigoureux en interne, nous sommes aussi ouverts à toutes les idées externes.

 

Quels sont vos grands axes de recherche ?

Contre les maladies qui entraînent plusieurs types de perturbations, nous développons des missiles à plusieurs têtes. Il s’agit de cibler plusieurs mécanismes intervenant dans une maladie. C’est le passage du « monotargeting » au « multitargeting ».

Quel est le bon équilibre entre recherche interne et projets issus de l’extérieur ?

L’idée est qu’à terme environ la moitié des projets soient issus de notre propre R&D, contre deux tiers aujourd’hui.  Pour acquérir des expertises que nous n’avions pas, il nous a fallu nous appuyer sur des partenaires pour apprendre.

Aujourd’hui, notre R&D est suffisamment productive et nous souhaitons lui donner plus de poids. Économiquement, les produits issus de notre propre recherche sont plus rentables. Après la phase de rattrapage, notre recherche doit repartir de l’avant.

 

L’utilisation des données et l’intelligence artificielle remodèlent en profondeur toutes les industries. Comment cette révolution touche-t-elle la recherche de Sanofi ?

 

Le digital intervient dans toutes les phases de notre R&D. Dans les soins intégrés au traitement du diabète, nous sommes les plus avancés au monde, notamment grâce à Onduo, notre co-entreprise avec Google.

En recherche et développement, nous travaillons avec des petites sociétés qui nous permettent d’optimiser nos essais cliniques. Grâce aux données, on peut savoir où se trouvent les patients dans le monde. Cela permet de savoir où sont les malades qui profiteront le mieux d’un médicament.  Les technologies digitales vous permettent d’avoir accès à des malades qui ne sont pas seulement à côté des grands hôpitaux. Science 37, un de nos partenaires très innovants dans cette approche, nous permet par exemple d’intégrer dans un essai clinique des patients habitant à 200 kilomètres d’un hôpital. Le numérique permet ainsi de résoudre un des grands problèmes de la R&D mondiale qu’est le faible taux de participation des malades aux essais cliniques.

Le digital va aussi améliorer énormément l’optimisation des traitements. Au cours du temps, on saura quelles sont les malades qui auront les meilleures chances de bénéficier d’un traitement. Cela va faire baisser les coûts de recherche et les coûts de santé. Aujourd’hui, pour des raisons diverses – les systèmes de santé mais aussi l’adhésion des malades aux traitements – seulement 50% des patients sont correctement traités. Nous voulons améliorer cela grâce au digital et à la médecine de précision. La tendance actuelle de la R&D c’est que la médecine soit davantage une science qu’un art.

In :Magazine Challenges

Première pierre de l usine de Sidi Abdallah qui sera le plus important complexe de production de médicaments de Sanofi en Afrique et au Moyen-Orient.

(Alger) Mer Elias Zerhouni, Abedelmalek Boudiaf, Philippe Luscan, Christopher A. Viehbacher et amara Benyounes