Session d’information des journalistes sur les Maladies Rares en Algérie, à l’occasion de la célébration de la Journée Mondiale de lutte contre les Maladies Rares le 28 Février 2021
Nos connaissances sur les maladies rares ont beaucoup progressé depuis des années mais de nombreux besoins restent non satisfaits, qui s’apparentent parfois à une véritable odyssée.
La prévention, le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des maladies rares constituent, partout dans le monde, un véritable défi tout en nous renseignant sur l’état du système de santé que nous avons car il s’agit d’un excellent indicateur de l’environnement sanitaire d’un pays et de sa vitalité en terme de recherche et d’accompagnement social et sociétal.
Le meilleur moyen de sensibiliser les décideurs et le grand public est d’en parler souvent, et pas seulement le 29 février compte tenu de leur rareté mais aussi le 28 février et le 1er mars, dates de célébration de ces maladies dites rares mais qui ne sont pas si rares que ça. Elles sont en effet fréquentes autour de 8000 et chaque année on décrit de nouvelles maladies rares si bien qu’in fine le nombre de patients touchés par ces affections est énorme, plus de 300 millions de par le monde, soit autant que les diabétiques, voire plus, sans pour autant bénéficier de la médiatisation dédiée au diabète.
Elles affectent, près de 8% de la population mondiale et moins de 5% d’entre elles ont un traitement. Elles sont souvent d’origine génétique et touchent surtout les enfants, même s’il existe de nombreuses causes non génétiques, auto immunes, inflammatoires, métaboliques, tératogènes…
Elles souffrent d’un délai diagnostique trop long, quand elles sont diagnostiquées, autour de 10 ans voire plus dans certains pays .La plupart n’ont pas de traitement et quand il existe, il n’est pas toujours à la portée du commun des mortels.
En Algérie, une enquête a été réalisée auprès des soignants et des patients atteints de maladie de Gaucher
Les problèmes actuels posés par les maladies rares peuvent être résumés en 5 vignettes :
Un diagnostic difficile et tardif, une prise en charge complexe et coûteuse, l’absence ou le manque flagrant d’information, un impact négatif sur tous les aspects de la vie courante et enfin l’absence ou le manque de perspectives à court ou moyen terme.
Les maladies rares sont aussi une véritable épreuve pour l’entourage des patients et tout
particulièrement les parents Vivre avec une maladie rare n’est donc pas chose facile mais un véritable parcours du combattant et il faut rendre ici hommage aux malades à leurs parents, aux soignants et aux médias qui ne baissent pas les bras malgré les difficultés.
En Algérie, une enquête a été réalisée auprès des soignants et des patients atteints de maladie de Gaucher, la plus fréquente des maladies rares dites lysosomales. Le délai moyen pour arriver au diagnostic est de 56 mois, ce qui est pour le moins honorable partant du constat que ce délai est en moyenne de 7 ans un peu partout dans le monde. Mais beaucoup reste à faire car 36% des patients ne comprennent pas la notion d’hérédité de la maladie et beaucoup pensent qu’il n’y’a aucun risque de transmission à leurs enfants .Certains médecins pensent qu’il n’y a pas de traitement pour une forme traitable et qu’il y a un traitement là où il n’existe pas.
La question se pose de savoir comment faire pour améliorer cette situation. Il faut d’abord préciser le concept car la définition d’une maladie rare tient compte de sa fréquence mais elle n’est pas univoque qui varie d’un pays à l’autre
Globalement on parle d’une maladie rare quand elle touche moins de une personne sur 2000.
Ensuite il faut légiférer pour encadrer ces pathologies tout en produisant des programmes nationaux à même de promouvoir la prise en charge de ces maladies. Les axes de ces programmes visent essentiellement à former les soignants et sensibiliser le grand public. Car mettre un nom sur une maladie est vécu comme une véritable délivrance par les patients et leur entourage. Le diagnostic met surtout fin aux consultations et explorations épuisantes et coûteuses mais sans résultat . Il permet d’adapter la prise en charge , de commencer le traitement quand il est disponible, de réaliser une enquête familiale ..Pour ce faire il faut avoir un réseau de centres de référence ou de compétence tant en pédiatrie qu’en médecine d’adulte, qui existent en Algérie mais dans l’anonymat, sans législation, et par conséquent sans accompagnement
Pourquoi maintenant le diagnostic est tardif et complexe, parce que ces maladies ont souvent plusieurs visages et peuvent être totalement et longtemps asymptomatiques ou peu symptomatiques. Les symptômes peuvent être si bénins et si fréquents qu’on les ignore.
En médecine il suffit de voir une fois dans sa vie certaines maladies rares mais « typées » pour s’en rappeler à jamais mais, ces visages, très peu de médecins vont les croiser durant leur carrière. Ce qu’ils vont croiser ce sont plutôt des visages de Madame ou Monsieur tout le monde qui cachent pourtant des maladies rares qu’il faut diagnostiquer pour , lorsque le traitement est disponible, les traiter. Le traitement de certaines de ces maladies rares a révolutionné la vie de ces patients et il est d’autant plus efficace qu’il est dispensé précocement. Par ailleurs ce traitement est à vie et ne saurait souffrir d’aucune interruption pour des raisons non médicales au risque de compromettre ses bénéfices et d’entrainer une perte de chance pour ces patients et une perte ce crédibilité vis-à-vis du système de santé.
Monsieur Abdelkrim BERRAH
Est professeur de médecine interne à la faculté de médecine d’Alger et chef ce service de médecine interne à l’hôpital Dr Mohamed Lamine Debaghine CHU Bab El Oued.
Il a dirigé de nombreux travaux de recherche et coordonné la participation de l’Algérie dans plusieurs études internationales.
Il a surtout représenté l’Algérie dans des réunions d’experts sur certaines maladies rares et contribué à la confection des documents qui ont sanctionné ces échanges. Il est past président de la société Algérienne d’hypertension artérielle et past représentant de l’Algérie à l’académie maghrébine des sciences.