Tandis que le Syndicat national algérien des pharmaciens d’officine (Snapo) faisait état de 244 médicaments «en rupture» sur le marché, le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière avait organisé une conférence de presse sur la question en date du 2 mai 2019, durant laquelle une série de mesures préventives et curatives avaient été annoncées, en sus de la tenue de réunions hebdomadaires avec la cellule de veille installée le 10 janvier 2018, et ce, jusqu’à la fin de toutes les perturbations sur le marché.
Situation n’est pas propre à l’Algérie
En fait, cette situation n’est pas propre à l’Algérie, puisque la rupture d’approvisionnement en médicaments est un problème grandissant qui affecte de nombreux autres pays de par le monde.
En Belgique, par exemple, l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) a fait état à juillet 2019 de 497 médicaments affectés par des problèmes liés à l’approvisionnement, dont le Salbutamol, pour inhalation, utilisé par les patients asthmatiques, et l’Amoxicilline, un antibiotique fréquemment prescrit. Cette situation a d’ailleurs amené un collectif de professionnels de la santé à tirer la sonnette d’alarme dans une carte blanche parue sur le quotidien belge Le Soir, en date du 14 juillet 2019.
Ce collectif y affirme qu’une «disponibilité suffisante des médicaments relève de la responsabilité de l’industrie pharmaceutique», qui reste «soumise à des impératifs de rentabilité forts», alors que les négociations entre elle et les autorités publiques sur le prix accordé «peuvent être difficiles».
Il a aussi plaidé pour une «solution globale à ce problème majeur au niveau européen», tout en insistant pour le maintien sur le marché de «molécules bon marché, parfois non rentables économiquement, mais qui sont indispensables au traitement des patients».
La France lourdement touché
La France est un autre exemple de pays européen lourdement touché par ce phénomène. En effet, un nombre record de 538 signalements de rupture ou de tensions d’approvisionnement ont été recensés en 2017 par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), contre seulement 44 en 2008.
Le 7 mai 2019, l’ANSM annonçait de «fortes tensions d’approvisionnement concernant des spécialités à base de Prednisone et de Prednisolone», corticoïdes pourtant essentiels à de nombreux patients atteints d’allergies, d’asthme, de sclérose en plaques, de rhumatismes aigus et même de certains cancers.
Une feuille de route «anti-pénurie»
Pour pallier cette situation, une feuille de route «anti-pénurie» a été dévoilée le 8 juillet 2019 au cours d’une conférence de presse animée par la ministre des Solidarités et de la Santé.
Le plan en question, dont la mouture finale est attendue pour septembre prochain, préconise «des actions ciblées et adaptées à chacun des acteurs du circuit du médicament» et plaide pour une intervention du pharmacien (déjà consacrée dans la loi) pour «remplacer le médicament indisponible initialement prescrit par un autre». Il vise à «promouvoir la transparence et la qualité de l’information» tout en prônant une «coopération européenne».
A ce titre, dans une perspective de convergence et de mise en place de bonnes pratiques, un premier guide européen a déjà vu le jour le 13 juin 2019. Il se rapporte à la notification des ruptures de stocks en médicaments dans l’Union européenne (UE) et s’adresse aux détenteurs des Autorisations de mise sur le marché (AMM).
Ce guide rappelle que l’élément essentiel pour une approche harmonisée de détection, de notification et de gestion des ruptures réside dans une définition harmonisée du mot «rupture», de même que la notification précoce aux autorités compétentes constitue un aspect-clé dans la prévention et la résolution de la rupture
Ce guide européen rappelle aussi les responsabilités des détenteurs d’AMM en UE dans la notification des ruptures en cours ou à venir, en raison de problèmes d’ordre réglementaire, de défauts de qualité et/ou d’autres causes.
Fabrication et/ou de distribution
Ceci inclut, sans pour autant y être limités, les problèmes liés au respect des bonnes pratiques de fabrication et/ou de distribution, les lots non conformes et les rappels de médicaments sur le marché. Pour ce faire, l’Agence européenne du médicament (EMA) a développé une formulaire-type de notification à destination des pays de l’UE qui n’en disposent pas encore, que les détenteurs d’AMM sont tenus de renseigner.
Il est par ailleurs attendu des détenteurs d’AMM de surveiller en continu la situation de l’approvisionnement et de la demande sur leurs produits, et de recourir à une communication ouverte et ininterrompue avec tous les intervenants dans la chaîne de distribution, comme les producteurs et les grossistes-répartiteurs.
La vigilance doit bien sûr être doublée s’agissant de médicaments pour lesquels il n’existe pas d’alternatives, ou alors qu’il en existe mais en nombre limité, ainsi que là où l’interruption de l’approvisionnement donne lieu à un risque potentiel pour la santé publique. Pour ces cas, les autorités réglementaires peuvent exiger des détenteurs d’AMM de mettre en place des plans de prévention de la rupture.
Dans le même esprit, et pour des objectifs comparables, un deuxième guide européen a été publié en date du 4 juillet 2019. Il se rapporte aux bonnes pratiques de communication au public des problèmes liés à la disponibilité des médicaments, et s’adresse aux autorités réglementaires de compétence nationale.
Ce guide précise qu’en sus des mesures pour l’optimisation de la notification et de la gestion des problèmes d’indisponibilité, l’amélioration de la communication de ces problèmes au public joue un rôle important dans la minimisation de l’impact potentiel des ruptures.
Planifier et rationaliser les stocks
En effet, la disponibilité d’une information pertinente, et à temps, est nécessaire pour planifier et rationaliser les stocks restants, ainsi que pour prévenir la constitution de surstocks au niveau des acteurs de la distribution et des patients, susceptibles d’accentuer la rupture. L’objectif ultime de cette communication étant d’aider à maintenir et à améliorer la confiance en le système réglementaire.
Les recommandations formulées dans ce guide européen découlent en fait d’une enquête sur les pratiques en place, conduite dans plusieurs pays de l’UE, et de l’atelier organisé par l’EMA en novembre 2018. Elles voudraient que l’autorité nationale compétente communique toutes les ruptures en médicaments au niveau national dès lors qu’elles sont confirmées par les détenteurs de leurs AMM, sans un quelconque critère de sélection préalable.
Publication d’un listing des ruptures
Il est aussi attendu à ce que l’autorité procède à la publication d’un listing systématique des ruptures (mais aussi des médicaments dont les AMM ont été retirées ou révoquées, parfois déclarés en rupture) sous forme de catalogue électronique régulièrement mis à jour et facilement accessible sur son site web. Pour les médicaments ayant un impact important pour les patients, des communiqués de presse sont aussi nécessaires, en plus du listing susmentionné.
Par ailleurs, doivent également figurer dans ce listing, la date de début de la rupture, l’estimation de la date de sa fin, les raisons qui en sont à l’origine, de même que les actions décidées pour y faire face. Les alternatives thérapeutiques, lorsqu’elles existent, doivent être communiquées aux professionnels de santé et aux patients.
Ces bonnes pratiques de gestion et de communication autour des ruptures et tensions d’approvisionnement de médicaments constituent autant de retours d’expérience d’autres pays et d’enseignements inestimables dont devraient pleinement tirer profit les parties prenantes dans les pays qui, comme le nôtre, ne sont pas épargnés par ce problème épineux et grandissant, sachant de surcroît la globalisation de l’approvisionnement en médicaments et leurs constituants.